Marcel Detienne (1935–2019)

LA NOTION DE DAIMÔN DANS LE PHYTHAGORISME ANCIEN

AVANT-PROPOS
L'intention première de ce travail était de montrer qu'il existe
une « démonologie » pythagoricienne, mais, au cours de l'enquête, il
est devenu une recherche sur le passage de la pensée religieuse à la
pensée philosophique. Même si ce problème n'est étudié que dans les
ites assez étroites d'un projet que le sous-titre circonscrit par-
faitement, il reste que notre ambition était devenue plus grande.
Nous serions comblé si le lecteur de ce livre avait véritablement
l'impression de suivre une transformation, celle qui concerne, selon
de J.-P. Vernant, "l'équilibre des concepts et les grandes
articulations d'un système de pensée"

La pensée religieuse peut s'étudier comme un système de signes,
c'est-à-dire comme un langage (1), car l'être humain -c'est un
fait-construit son monde dans l'univers des symboles (2). Il faut
distinguer, sans doute, dans la pensée religieuse, le langage des rites
celui des mythes, et celui des représentations figurées, mais tous
trois comportent un ensemble d'opérations destinées à assurer
entre les individus ou les groupes une certaine forme de commu-
nication (3). Tous trois s'expriment par des « actes significatifs
organisés en véritables systèmes de langage. Ces systèmes de lan
gage obéissent à des règles, c'est-à-dire qu'ils ont leurs propres
structures : le problème est précisément de définir les règles qui com-
mandent l'emploi de ces signes. Mais s'il apparaît déjà que le champ
de la pensée mythique est fortement structuré - Lévi-Strauss (4) et...

(1) Sur les définitions du langage, cf. G. MOUNIN, Définitions récentes du
langage,
Diogène, no 31, 1960, p. 99 sqq
(2) H. DELACROIx, Les grandes formes de la vie mentales, Paris, 1941, p. 130
(3) Cf. Cl. LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Paris, 1959, p. 69
(4) Cf. LÉVI-STRAUSS, La geste d'Asdiwal, Annuaire de l'École pratique des
Hautes Études. Section des sciences religieuses, 1958-59, pp. 3-43. M. Mauss avait… (más)

Detienne obtuvo, en 1960, el doctorado en ciencias religiosas en la Escuela de Altos Estudios de París, y, en 1965, el de Filosofía y letras de la Universidad de Lieja. En 1964 había fundado ya, junto con Jean-Pierre Vernant, el Centre de reserches comparées sur le Sociétés anciennes (Centro de estudios comparados sobre las sociedades antiguas), al que se fueron uniendo notables helenistas.
Fue director del departamento de ciencias religiosas de la Escuela de Altos Estudios, en donde enseñó hasta 1998. Desde 1992 dio clases en el departamento de estudios clásicos en la Universidad Johns Hopkins de Baltimore, Estados Unidos, del que es profesor emérito.
Con Jean-Pierre Vernant y Pierre Vidal-Naquet, se propuso aplicar un tipo de mirada antropológica, en parte inspirada en el estructuralismo de Claude Lévi-Strauss, a los períodos clásico y arcaico de la Grecia antigua. Su obra ha marcado decisivamente la investigación helenista en el último tercio del siglo XX.… (más)