Christian Baudelot

Contrairement à ce que laisserait penser la brochette d’éminents contributeurs (Barbara Cassin, Philippe Descola, Françoise Héritier…), il ne s’agit pas d’un ouvrage universitaire. Je me suis fait avoir par le moteur de recommandation d’Amazon. Le but du livre est de présenter à un public jeune des thèmes et questionnements liés au multiculturalisme, après une introduction à l’anthropologie moderne. Il est le fruit du travail réalisé avec des élèves volontaires d’un lycée d’Aubervilliers, dans le cadre du projet Thélème. Chaque chapitre tient sur une double page, et laisse une place conséquente aux illustrations, de type bédé. Les mots et concepts clés sont expliqués dans les marges. Quelques témoignages d’élèves, bien écrits et intéressants, ont été intégrés. Malheureusement, la question qui sert de titre au livre n’est pas traitée. La plupart des chapitres tournent plutôt autour du concept de culture.
Les textes sont très simples et abordables, et à mon avis adaptés à des collégiens, voire à des CM1/2, c’est-à-dire aux petits frères et petites sœurs des jeunes contributeurs. Ils sont bien trop basiques pour des lycéens français, normalement occupés à lire les grands auteurs dans le texte pour préparer les épreuves de français que de philo. Ils n’en retireraient rien de profitable. Par contre, ce livre pourrait s’avérer utile en tant que support pédagogique pour l’apprentissage de la langue française. Je verrais bien une exploitation de certains extraits en classe de français langue étrangère ou en cours de français dans des établissements non francophones pour les raisons suivantes : taille et présentation des sections (double page A5, illustration comprise), simplicité de la langue et enfin, ancrage des problématiques dans l’actualité et la culture françaises (affaire du porc dans les cantines, colonialisme à la Française, valeurs de la République…), ce qui particulièrement intéressant à faire découvrir à des élèves ne connaissant de la France que la baguette et le camembert. Le parti pris politique est progressiste : on peut faire coexister les cultures, y compris à l’intérieur de soi (en parlant de quoi, le chapitre 12 « Et quand on vit entre deux cultures » de Fabien Truong est particulièrement éclairant), et la laïcité n’implique pas la suppression des religions. Cela étant, les chapitres sont très inégaux : certains sont plus clairs, pertinents ou simplistes que d’autres. Le tout dans le tout, je pense que plutôt que d’acheter ce livre aux enfants de ma connaissance, je préfèrerais une discussion franche avec eux. Par contre, il me semble utile en milieu scolaire, pour les enfants qui n’ont pas accès à ces idées dans leur milieu et pour les enseignants souhaitant utiliser un ou plusieurs des textes en tant que support de travail et de discussion en classe.… (más)

Les hasards de la vie, les résultats de certains de nos choix hasardeux, les hasards de ce que certains appelleront du temps perdu, m’ont souvent fait découvrir des pépites intellectuelles. Je remercie la chaîne de hasard et de personnes qui m’ont fait lire un très bel ouvrage. J’ai assisté à la journée annuelle d’une jeune association que je soutiens à ma mesure. Il y avait beaucoup de raisons pour que je refuse l’invitation, mais l’envie de les soutenir a été la plus forte. J’étais assis devant un couple, un des intervenants a parlé d’un livre, il l’a remis à ce couple. J’ai demandé à lire le quatrième de couverture. Olga me l’a gentiment permis. J’avais derrière moi les auteurs. Je lui demande si il est publié, elle me dit oui et en souriant me dit qu’on le trouve même dans les gares. Je suis allé prendre mon ICE, en achetant le Monde, je vois le livre, et je l’achète. Aspiré par le récit je l’ai lu d’une traite.

Un véritable bonheur, Olga et christian merci pour cette oeuvre qui m’a accompagné durant mon chemin de retour et vous continuerez à être présents longtemps tant votre témoignage est fort.

“Promenade de santé” de Christian et Olga Baudelot raconte le parcours d’une transplantation rénale à partir d’un donneur vivant chez une patiente porteuse d’une polykystose rénale autosomique dominante. Ils nous livrent une magnifique leçon d’amour, de vivre ensemble, de complicité, de connivence, de cette merveilleuse aventure qui est d’être deux pendant une longue période. L’intelligence, la pertinence de l’analyse sur leur parcours est stimulante. Le fait d’oser regarder en face ses propres insuffisances, admettre que certaines analyses sont fausses et être capable de réajuster par le dialogue sans fard ni tabou son point de vue, quelle force, quelle courage. Admettre que nous faisons fausse route et ne pas s’enteter dans un chemin sans issue, un chemin de peine et de douleur, mettre en berne son ego, et dire à celui que nous aimons, je t’aime, tu as raison, pardon, quelle leçon.

Ce livre témoigne de la complexité de la transplantation rénale avec donneur vivant. Le parcours somatique et psychique sont particuliérement bien rendus. Le livre est magnifique et miraculeux, ils arrivent à mettre des mots si justes sur leur sentiments, leurs angoisses, leurs inquiétudes et leur bonheur. Ils sont des humains splendides. La leçon est très belle. l’écriture et agréable. Lisez ce livre vous sourirez, vous retiendrez quelques larmes et plus important vous réfléchirez.

Je souhaite souligner deux points qui m’ont touché.

Le premier est l’histoire d’olga, de sa famille et de sa relation à la maladie génétique. Son histoire est malheureusement banal, faite de connaissances partielles et de beaucoup de non dit, de silences qui sont sensés protéger mais qui font souvent souffrir. Je suis persuadé qu’il faut parler, en famille, de la maladie et s’informer, ne pas s’arréter à l’expérience unique et individuelle qui est celle de son père ou de sa mère. La projection empêche la prise de recul et fonctionne dans les deux sens dramatisation sur une expérience de la dialyse ou à l’opposé une certaine négligence. Les deux conduisent à faire l’autruche et à refuser la prise en charge. Le néphrologue est utile pour la prise en charge des maladies rénales chroniques. Contrairement à ce que certains peuvent penser les néphrologues sont des médecins qui ont un vrai soucis de la globalité du patient. Un suivi régulier et précoce permet une amélioration de la qualité de vie. Il faut sortir de sa bulle et des fantasmes qui entourent la maladie. Ceci passe par la prise d’informations auprès du néphrologue et des associations. Entre dramatisation et négligence il existe une voie équilibrée qui permet de bien vivre sa maladie avec ses proches.

La transplantation rénale est le meilleure traitement de l’insuffisance rénale chronique terminale. Elle est très valorisée Les gens en attendent des miracles. Christian attend que sa femme de 63 ans redeviennent la jeune fille de 20 ans qu’il rencontra rue d’Ulm. Impossible. Il s’en rend compte, il a des mots durs pour elle, mais l’amour fait pardonner et il renégocie les attentes. Ils ouvrent les yeux sur une réalité parfois occultée, la transplantation ne donne que ce qu’elle peut donner. J’espère que tout les patients en attente de transplantation et médecins liront ce livre pour ne pas attendre plus que ce que cette technique extraordinaire peut apporter. J’ai l’habitude d’utiliser des images pour dire cela. Pour un dialysé, un insuffisant rénal chronique terminal, tous les problèmes de la vie quotidienne sont dus à la dialyse, je ne trouve pas mes clés ce matins, c’est la faute de la dialyse, mes petits enfants ne viennent pas me voir c’est la faute de la dialyse, j’ai fait une tache sur la nappe c’est la faute de la dialyse. Nous avons tendance a nous dédouaner de nos erreurs et toujours chercher un coupable pour nos actes qui ne nous plaisent pas. Je ne trouve pas mes clés c’est la faute de ma femme qui les a déplacées, alors que c’est moi qui aurait du les ranger, mes proches ne viennent pas me voir, c’est parce qu’il sont méchants, alors que c’est moi qui est un sale caractère, j’ai renversé quelque chose, c’est la faute de ma fille, alors que ce n’est que ma maladresse. Chacun aimerait ne pas être responsable du mauvais, c’est pas moi c’est les autres . Dans l’esprit du dialysé et de sa famille, la transplantation doit tous régler mais ça ne marche pas. Je ne trouve pas mes clés après une greffe qui marche, zut c’est pas la dialyse, ça ne peut pas être la transplantation parce que c’est une résurrection alors c’est quoi? C’est moi non pas possible et pourtant, et commence une spirale qui peut conduire à la dépression, il faut le reconnaître aidé par les médicaments en particulier les corticoides. La transplantation rénale ne vous fera pas retouvé vos clés, ne fera pas que vos proches viendront vous voir plus souvent ou que vous ne ferez plus de tache sur la nappe , elle améliorera votre qualité de vie, elle vous fera vivre plus longtemps mais elle ne fera pas de vous un surhomme, elle ne réglera pas les problèmes de votre vie d’un coup de baquette magique. Ne lui en demandez pas trop et elle vous donnera beaucoup, attendez en tout et vous serez malheureux.

Ce livre illustre bien mieux que mes malheureux mots tout ceci. Je vous en conseille vivement la lecture stimulante et enrichissante. Il y a beaucoup d’autres sujets abordés comme le don et le contre don, la difficulté à promouvoir le donneur vivant en France et bien d’autres encore.

Une page dans le monde littéraire du 6 juin . Pas mal pour faire parler de la PKD.

Bonne lecture et surtout ne lâchez rien.… (más)