Comme je viens d'une poque, voire d'un monde, o chacun jurait de rester ternellement fid le ses convictions, je me suis souvent demand pourquoi tant de figures nergiques avaient ensuite, et sans trop tarder, tourn la page de leur jeunesse. Cette question - qu'est-ce qui pousse un homme changer de camp, passer, par exemple, de la gauche la plus enrag e la droite la moins cl mente ? - a fini par m'obs der. J'aurais pu en tirer la mati re d'un pamphlet si ce n'est que je voulais toucher au-del du cercle des convaincus. Aussi ai-je ressuscit un crivain du si cle dernier, Jean Fontenoy, qui, pour reprendre le mot de Malraux, fut partout o cela comptait, tout du moins dans ses 20 ans: la Grande Guerre, Dada, Octobre, Ma akovski, L nine et Trotski, Moscou et Shangai, etc. Or, lui qui tait n pauvre, que l' cole de la R publique avait su distinguer et dont les livres avaient s duit aussi bien Kessel que Colette, Blanchot que C line, voil que, contre toute attente (il avait d nonc le nazisme d s 1933), il se fit soudain fasciste. Quelques ann es plus tard, non sans logique (et aussi par haine de la l chet ), il ne lui resterait plus qu' partir se suicider dans Berlin assi g e par l'Arm e rouge. Reste que je n'ai crit Fontenoy ne reviendra plus que pour comprendre de quoi nous sommes faits et quoi tiennent nos destin es. Et nos refus. G rard Gu ganNi r cit ni biographie, le nouveau livre de G rard Gu gan est port par une figure si romanesque au destin si tragique qu'il ressemble et se situe avant tout en litt rature. C'est le roman de Fontenoy. Ses engagements, ses amours, ses obsessions, ses d guisements, l'histoire d'un homme qu'on r verait tout la fois de rencontrer et de fuir, d'aimer et de quitter, comme il n'aura cess de se quitter lui-m me. C'est sans doute bien Brice Parain qui aura donn avant G rard Gu gan sur Fontenoy le sentiment le plus juste: Il y a eu Jean (Fontenoy). Je n'ai pas eu d'autre ami parce que les autres que j'ai connus taient ou sont moins honn tes que lui, je veux dire plus arrangeurs au fond. Arrangeur, il l' tait comme vous le dites, mais il n'a pas trich avec la litt rature, ou la po sie, comme vous voudrez, il a pr f r devenir une crapule plut t qu'un prot g de Paulhan, c'est tout de m me beaucoup.