> Par 3e millénaire (In: Revue 3e millénaire, n°106, Hiver 2012 - Le Silence)

SOMMAIRE

— Thème : Le Silence

2 — 3e millénaire : Un fil d'Ariane dans les pas du silence
Nous ne connaissons pas le silence… Nous le recherchons lorsque les bruits et l’agitation envahissent nos vies, nous le fuyons lorsque l’ennui et l’angoisse se font trop pesants. Ces deux tendances apparemment contradictoires sont enracinées dans notre psyché. Monique Virelaude constate ainsi qu’il existe : « de la peur au silence… du silence à la peur, deux états de conscience étroitement imbriqués et si étrangement solidaires.. . » Ce sont ces deux tendances qu’il nous faut apprendre à connaître dans leurs fonctionnements [1]. Toutes deux appartiennent au domaine du brouhaha intérieur et se partagent cette double vision que nous nous sommes forgés de « l’état sans bruit ». Cette situation est la manifestation d’une double méprise parce que « le silence n’est pas l’absence de bruit. Il se tient à l’arrière-plan du monde phénoménal », dit Serge Pastor à l’instar de la plupart de nos auteurs. (...)

8 — Viator : Le silence est une musique
Qu’est-ce que le silence intérieur ? Afin de mieux comprendre sa nature, et de plus facilement le rejoindre, commençons par évoquer le silence extérieur- l’absence de son. (…)

14 — Gangaji : La soumission du mental au silence
Notre identification au mental est probablement encore plus forte que notre identification au corps. Par “mental”, je veux surtout dire des pensées comme « Je crois que je suis ce corps et cette personne, et que c’est la réalité. » Nous donnons aux pensées le pouvoir de définir qui nous sommes. Si je pense que vous êtes séparé de moi, en me fiant aux sensations et aux perceptions physiques, alors cette pensée décide ce qui est réel, elle a le pouvoir de définir ce qui est réel pour moi. (…)

18 — Paul Pujol : Le silence et le chant de la vie
Une personne nous a contactés pour savoir si nous voudrions écrire un texte sur le silence. En répondant favorablement, on se demande immédiatement si eela est vraiment possible ? Si chaque parole ou écrit sur le silence ne fait pas fuir celui-ci. Le silence étant par définition l’absence de son, de mots, la suspension de tout bruit existant.
Il est sans doute possible de vivre le silence, mais en parler ? S’exprimer à son sujet n’est-ce pas trahir l’essence même du silence ? (...)

24 — Nicole Montinéri : Le silence, espace de la rencontre
Comment dire le silence ? Les mots expriment notre monde, nos expériences, donnent une continuité au temps. Or, le silence est sans origine et sans finalité. Il est impossible de l’expérimenter, de lui donner une continuité, car il n’est pas dans le temps. Il était déjà là au commencement du monde, intrinsèque au jaillissement de la vie, au Principe qui fonde l’univers. Les mots voilent, ne sont pas adaptés à cette réalité, à la Réalité, qui n’existe pas pour le langage, pour la raison, pour l’entendement humain. Ils ne peuvent dire l’ultime expérience qui n’en est pas une, parce qu’intemporelle, ils ne peuvent décrire les noces sublimes avec l’Un. (…)

28 — Vimala Thakar : Explorer la dimension du silence
La divinité n’est pas quelque chose qui peut être identifié et expérimenté par les sens ou le mental. Il peut arriver que l’énergie individualisée et conditionnée entre spontanément, sans l’inhibition de la peur, dans la grâce du non-agir. Le mental conditionné comprend alors ses limites, revient vers le centre et se détend dans son êtreté, sans désir de devenir ou d’acquérir. Quand le mental conditionné se détend, c’est le silence. (…)

32 — John Martin Sahajananda : Le silence ou comment naître à la plénitude
Il est contradictoire d’écrire ou de parler de silence. En effet, à partir du moment où l’on parle et écrit à propos du silence, il n’y a plus de silence. Le silence n’est pas un objet. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut acheter ou posséder. Le silence est. Il est tel le soleil qui irradie de toute sa lumière. Nous pouvons seulement pénétrer en sa présence et lui permettre de transformer notre vie. C’est pourquoi je ne souhaite pas parler du silence mais seulement expliquer la manière d’y entrer pour lui permettre de se manifester dans nos vies. (...)

38 — Jean-Marc Mantel : Etre silence
3‘ millénaire - Le silence intérieur est pour moi un mystère. A certains moments de la journée, ce “goût” si particulier, soudain, est là. Si je cherche à le saisir, ou à l’atteindre, il semble se dérober. Qu’est-ce que le silence intérieur ? S’agit-il seulement d’un apaisement du flot des associations de la pensée-mémoire, de la pensée ordinaire ? Et qui perçoit ce silence ?
Jean-Marc Mantel - Nous confondons souvent le silence-objet, perçu, avec le silence du sujet, de la conscience sans pensée. Pour quitter cette confusion, il est nécessaire d’explorer l’identité au silence-sujet, à cela qui perçoit, et qui est sans pensée, étant le connaisseur des pensées. Tant que perdure une distance entre “je” et le silence, le silence ne manque pas d’être objectivé, et de quitter sa nature propre, non réfléchie. (…)

48 — Monique Virelaude : La peur et son double : le silence
De la peur au silence… du silence à la peur, deux états de conscience étroitement imbriqués et si étrangement solidaires… La vibration primitive de peur, notre bonne limite a déchiré notre corps en deux. Notre cerveau frontal va tenter de nous sauver de cette terreur en réorganisant la matière énergétique physique. Une partie est laissée au bas du corps, gisante près de Fonde de peur, réorganisée en 3 structures de réparation. L’autre est portée près du cerveau frontal en 2 autres structures pétrifiées en raisonnement, près de Fonde de pouvoir. Ces états duels de matière, mollesse, dureté seront interprétés et portés par le langage à notre oreille interne, sous forme d’histoires sclérosées, répétitives. L’ère de l'ego a sonné. (…)

54 — Serge Pastor : Le Veilleur Silencieux
3‘ millénaire - Sur le flot du travail, des occupations, des relations parfois difficiles, le silence paraît un havre de paix nécessaire. Il est alors perçu comme une expérience bienfaitrice qu’il faudrait pouvoir vivre, plus fréquemment ou de temps en temps, afin de se ressourcer. Comment comprendre ce manque ?
Serge Pastor- Partons de ce constat de fait : depuis l’apogée de l’industrialisation, puis conséquemment des technologies modernes, la vie quotidienne des personnes est envahie par des nuisances dues à l’excès d’ondes de toutes sortes - ondes sonores, radios, télés et électromagnétiques -, de sons et de couleurs qui, à notre insu, peuplent nos jours et nos nuits. (…)

56 — David Ciussi : L'Impensable présence au milieu du silence créateur
Et… si…. l’imprévisible… attendu depuis si longtemps… était caché… dans un mot… ou… dans un simple objet… et si… c’était caché en nous… silencieusement présent !
Et si, dans un simple mot, un simple objet ou une simple présence humaine, était caché le principe de la renaissance silencieuse… l’ode de la vie. Et si, dans ce presque rien presque invisible, se dévoilait le presque tout… Et si dans le presque rien de notre présence était dévoilé le presque tout… !
Question - Votre parole est énigmatique et mystérieuse pour nous (comme un moment où l’on ne comprend pas) mais… quelque chose s’interroge en nous !
David Ciussi - Oui, il s’agit d’une interrogation silencieuse, sans réponse, comme un parfum de silence et d’ignorance féconde…
J’aime explorer « cet instant colibri » où le nectar des mots parfume l’atmosphère du voyage entre l’oiseau et la fleur…, inséparable moment de l’apparition jaillissant de l’inexistant… se révélant… dans un temps aboli… intersection fragile… au-delà de nos attentes… (...)

72 — Betty : L'indéfinissable silence
Définir ce qu’est le silence et être disposé à l’accueillir sous toutes réserves sont deux choses bien différentes. Discuter de concepts mentaux sécurisants en discourant sur une théorie nouvelle n’est pas accueillir une vérité qui vit au-delà des sens corporels. Que signifie pour vous le mot silence ? Quelles sont vos conditions extérieures pour le proclamer ? Avez-vous déjà une idée préconçue ? Est-ce que ce mot est pétrifié dans votre mémoire ? Est-il une pierre tombale ? Avez-vous la souplesse nécessaire, l’ouverture indispensable pour remettre en question ici et maintenant les connaissances qui vous apparaissent coulées dans le béton ? Ce béton qui vous isole dans votre prison mentale. (…)

76 — Peter Fenner : Silence naturel et impensabilité profonde
A Java, en Indonésie, les membres de certaines communautés mystiques passent du temps ensemble, en silence, après le repas du soir. Ils ne méditent pas. pas plus qu'ils ne se détendent ou somnolent. Ils sont assis attentivement ensemble dans un silence partagé, simplement les uns avec les autres appréciant l’existence. On peut les voir sourire, se regarder les uns les autres, assis tranquillement les yeux fermés ou contemplant l’immensité du ciel. Ils sont tout à fait à l'aise dans ce partage de silence. En occident, le plus souvent, nous n’avons pas de modèle de regroupement naturellement silencieux. S’assoit dans un espace conscient et partager un silence intime avec les autres, dans un cadre informel, est une possibilité radicale. Nous n’avons généralement jamais eu l’occasion de nous sentir totalement à l'aise et absolument conscient, n’étant personne en particulier et n'allant nulle part, avec un groupe d’individus. (…)

Document :

42 — Miguel Molinos : Les trois sortes de silences
Miguel Molinos naquit en 1628 à Muniesa, en Aragon. Il fit ses études de théologie à Valence dans un collège de Jésuites. Venu à Rome en 1664, il entra en rapport avec deux prêtres espagnols, qui exercèrent une profonde influence sur son développement intérieur. Couvert par de nombreuses autorités, son ascendant et son succès allaient grandissant. Toutefois, sous la pression de certains ordres, le pape Innocent XI le fit arrêter. Confiné durant deux ans, il passa en jugement et fut condamné. Après une abjuration solennelle, il fut mis en prison à vie et y mourut en 1696.
Le guide spirituel de Miguel Molinos, dont nous reproduisons ici le chapitre 17, eut un très grand retentissement à cette époque, en France notamment avec Mme Guyon et Fénelon.
*Extrait de l’ouvrage : Le guide spirituel, Fayard, documents spirituels 2, 1970. (…)

44 — Râmana Maharshi : L'enseignement du silence
Ramana Maharshi compte parmi les grands maîtres de l'Inde contemporaine. S’il vécut en ermite dans la montagne d’Arunâchala, son enseignement oral attira à lui des milliers d’indiens et d’occidentaux. Bien qu’il donna des enseignements verbaux à tous ceux qui le sollicitaient, il indiquait que l’« enseignement silencieux » était le plus directe et le plus puissant.
*L'évangile de Ramana Maharshi, Le Courrier du Livre, 1970.
*Extrait de Sois ce que tu es. Les enseignements de Sri Ramana Maharshi, Jean Maisonneuve, 1988, pp. 136-140.

62 — Rudolf Steiner : La voie du silence
Pour Rudolf Steiner, fondateur de l'anthroposophie, notre relation au monde et à nous-même peut s'établir par différents modes de connaissance dont nous ignorons l’existence dans l'état ordinaire de conscience. Notre façon habituelle de connaître étant mentale (ou intellectuelle) implique une séparation entre le sujet connaissant et l'objet connu, entre l'observateur et l'observé [1]. C’est cette séparation, ou “distance spatio-temporelle”, qui engendre les divers “tourments” (désirs/peurs) de l’existence psychologique dans laquelle nous vivons au prime abord. (…)
A travers « les degrés de la connaissance supérieure » [2], l'investigateur du monde de l'esprit passe d'un mode de connaissance dualiste (et subjective [3]) à un mode de connaissance non-duelle (“objective” ou “réelle”). R. Steiner a indiqué deux voies permettant d’accéder à ces degrés : celle « qui mène à la pensée libérée des sens en passant par les enseignements de la science spirituelle » et « une autre, plus sûre encore et surtout plus précise » [4] qui est exposée dans « La philosophie de la liberté » et ses ouvrages d'épistémologie de la pensée goethéenne [5]. Il convient ici de signaler que cette voie vient ici confirmer et développer la philosophie de Husserl et de Heidegger ; philosophie qui n'a de sens que par la “pratique” du « regard phénoménologique » - « l'épochè » chez Husserl, « l'Ouvert » chez Heidegger. (…)

40 — Approches de la méditation : La voie de l'épochè
La philosophie du XXe siècle a été marquée par la recherche d’une pensée nouvelle ou d’un nouveau mode de penser, d’une “méthode” pouvant changer l’homme moderne et la société. L’impulsion philosophique à connaître autrement, plus directement, plus réellement le monde et notre propre nature, est née avec Descartes et à été portée par la philosophie allemande du début du XIX' siècle. Plus tard, le philosophe visionnaire Vladimir Soloviev dénonça la « crise de la philosophie occidentale » (1874) avec « la conviction que la philosophie, dans le sens de connaissance abstraite, exclusivement théorique, a terminé son évolution et est entrée irrévocablement dans le monde du passé. » [1] (…)

Témoin d’éveil :

66 — David Anza : La clé de la vie
Depuis quelques années, un plus grand nombre de chercheurs spirituels, de femmes et d’hommes d’aujourd’hui, vivant au quotidien les mêmes préoccupations, découvrent, comme David Anza, “la clé de la vie”. Aujourd’hui, David pratique et découvre le chemin de la quiétude, de l’ici et maintenant.
Le courant de conscience qui souffle actuellement sur les esprits contemporains se nourrit d’échanges amicaux, de recherches authentiques et des quelques témoins d'éveil qui parlent et qui écrivent ici et ailleurs.
David Anza est auteur et compositeur ; pour voir et entendre ses œuvres : Facebook ; Youtube
Contact : davidanza@hotmail.fr (…)

Littérature et Spiritualité :

68 — J. Krishnamurti : Le silence de l'esprit
Les sables blancs de la mer agréablement froide étaient très loin derrière la brume, mais ici il faisait insupportablement chaud, même sous les arbres ou à l’intérieur de la maison. Le ciel n’était même plus bleu, et le soleil semblait avoir absorbé la moindre particule d’humidité. Le vent léger qui venait de la mer était tombé et les montagnes au loin, claires et comme très proches, réfléchissaient les impitoyables rayons du soleil. Le chien, toujours en mouvement, gisait, haletant, comme si cette intolérable canicule allait faire éclater ses poumons. Il y aurait des journées de ce genre, claires, sèches et torrides pendant des semaines et des mois et les collines, que les pluies du printemps rendaient plus douces et vertes, étaient d’un brun brûlé, leur terre sèche et dure. Ces collines gardaient cependant leur beauté, scintillantes derrière les grands chênes et les herbes dorées, les roches arides des montagnes au-dessus d’elles. (…)
*Commentaires sur la vie, tome 2, “Le silence de l’esprit” (Note 46).

Poésie :

80 — Marianne Dubois : Poèmes (1949-1954)

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