La chantause de Pigalle : Mme Arnaud, la concierge, si maigre que sa robe pendait toujours comme si elle était accrochée à un cintre, ouvrit la dernière fenêtre puis, se tournant vers le logement, eut l'air, comme chaque matin, d'en fouiller les recoins de son regard de souris pour s'assurer qu'elle n'avait plus rien à faire. - Vous n'avez plus besoin de moi, mademoiselle Lili ? Cela signifiait qu'il était dix heures du matin et qu'elle avait fini de donner son coup de main quotidien à la jeune fille.

L'invalide à la tête de bois : Cela se passait vers la fin juin, une année que la chaleur était si forte qu'il était question de fermer les écoles communales. Les arbres, devant les fenêtres du quai de la Tournelle, formaient une masse de verdure immobile au cœur de laquelle s'étaient réfugiés des milliers d'oiseaux. L'appartement avait vécu sa vie routinière de tous les matins. Mme Arnaud, la concierge, était montée pour aider Lili à habiller Justin Duclos et pour l'installer dans son fauteuil roulant.

Le gros lot : Quand le premier événement se produisit, Charles Perrin avait quarante-trois ans. Il était marié depuis dix-sept ans et sa fille, Nicole, venait d'avoir ses quatorze ans. Toute sa vie, il avait habité le même quartier de Paris, où il était né, le quartier Saint-Antoine, habité par des commerçants, des artisans et des employés comme lui. La journée avait commencé comme les autres quand le réveille-matin avait sonné à six heures et demie et qu'il s'était rasé en écoutant la radio pendant que sa femme préparait le petit déjeuner. A huit heures dix, il avait descendu les quatre étages et, sur le trottoir, s'était faufilé entre les ménagères qui entouraient les petites charrettes de légumes et de fruits. ( )