En un mot, la vie humaine est bien plus soumise aux caprices de la fortune qu'aux règles du raisonnement : notre humeur y décide de tout , les principes généraux n'y sont rien, ou peu de chose , et l'on doit la regarder plutôt comme une folie, ou comme un passe-temps, que comme une affaire sérieuse. La remplirons-nous de soucis et d'inquiétudes ? Elle n'en vaut pas la peine. La traiterons-nous avec phlegme et indifférence ? Nous perdons tout le plaisir du jeu. Mais pendant que nous en raisonnons, la voilà qui s'envole : la mort vient, et quelque accueil qu'on lui fasse, elle met de niveau le fou et le philosophe. Réduire la vie à des lois et à des méthodes, c'est se charger d'une tâche difficile, et le plus souvent d'une tâche frivole. N'est-ce pas en un mot faire trop de cas d'une bagatelle ? Mais ceux qui s'enfoncent dans des spéculations sur cette matière et qui se donnent tant de peine pour s'en former de justes idées ne tombent-ils pas dans le même défaut ? Ils diront, pour leur excuse, que l'usage le plus amusant qu'on puisse faire de la vie, c'est d'en faire un objet de spéculation...