C'est en lisant une interview dans Télérama d'Isabelle Arnulf, directrice de l’unité des pathologies du sommeil à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, que j'ai eu l'idée de lire ce livre (https://www.telerama.fr/idees/isabelle-arnulf-le-sommeil,-cest-le-continent-inexplore,-il-y-a-tant-a-decouvrir,n5731107.php). Elle y indiquait que Hervey de Saint Denys était le pionnier du rêve lucide et que Freud lui avait "emprunté" trois-quart de ses concepts (figurant dans L'interprétation des rêves).
Marie Jean Léon Hervey de Saint Denys annonce par le nom même qu'il portait le curieux personnage qu'il formait.
Marquis, sinologue et professeur de langue chinoise à l'Ecole spéciale des langues orientales à Paris, il publie anonymement cet ouvrage en 1867. Il s'agit d'un des premiers écrits traitant directement du rêve lucide. Il remet en question la définition du rêve par la science, évoque des expériences personnelles et donne des conseils pratiques pour diriger le cours de ses rêves.
Dès l’âge de 14 ans, Hervey de Saint Denys tient un journal de nuit, dans lequel il note ses rêves au réveil. Il pense tout d’abord y trouver matière à faire des dessins originaux, puis découvre que les rêves constituent un sujet intéressant à étudier pour eux-mêmes. En même temps qu'il note ses observations, il lit tous les ouvrages, tant anciens que modernes, qu’il peut trouver sur le sujet.
Ce livre est une curiosité : tout à la fois une synthèse de ce que l'on pensait à l'époque (soit il y a environ 150 ans) sur la question des rêves et une remise en cause des travaux conduits jusqu'à lors, à travers une réflexion fouillée et souvent pertinente de l'auteur, bien que totalement empirique. On peut par ailleurs imaginer l'intérêt que suscita ce livre auprès des surréalistes.
Les démonstrations sont un peu longues et alambiquées, les exemples de rêves trop nombreux. Il n'en demeure pas moins une argumentation tout à fait piquante et valable à bien des égards. ( )

> D’Hervey de Saint-Denys (1822-1892) (T. 1), Tome 1 : LES RÊVES ET LES MOYENS DE LES DIRIGER, Observations pratiques (ONIROS Chitry Mont Sabot 58190 Neufïoniaines - www.oniros.fr) ;
O. de Luppé. A. Pino, R. Ripert & B. Schwartz (T. 2), Tome 2 : Biographie, Correspondance familale, L’oeuvre de l’onirologue & du sinologue (ONIROS Chitry Mont Sabot 58190 Neufïoniaines - www.oniros.fr
Les Éditions Oniros ont publié dans ce premier volume, l'intégralité de cette oeuvre de Saint-Denys, publié une première fois à Paris en 1867, de manière anonyme. D’Hervey de Saint-Denys est un pionnier de l'étude des rêves et de la pratique du « rêve dirigé ». Il expose autant l’histoire de l’étude des songes, qui remonte à l’antiquité, que les connaissances médicales, physiologiques et psychologiques contemporains.
Le second volume nous permet de découvrir ce pionnier méconnu de la pratique du « rêve lucide », telle qu’on la nomme aujourd'hui.
—3e millénaire, (110), Hiver 2013

> Wahl J., Revue de Métaphysique et de Morale, 70e Année, No. 1 (Janvier-Mars 1965), pp. 109-110

> LES RÊVES ET LES MOYENS DE LES DIRÌGER, par D'Hervey de Saint-Denys - Editions Onoros. — En 1867, le marquis Léon d’Hervey de Saint-Denys publie en France " Les Rêves et les moyens de les diriger ", où il propose des techniques permettant d'agir sur ses rêves et d'avoir conscience en dormant de notre situation véritable ".
Né en 1822, il commence, à treize ans, un journal de rêves où il note chaque matin ses rêves. " Les rêves ne sont-ils pas la tierce partie de notre existence ? " dira-t-il. Il fit ses études seul sans précepteur. A quatorze ans, il commence à dessiner " un rêve singulier qui m'avait vivement impressionné ". Ainsi se constitue un album où la représentation de chaque scène et de chaque figure fut accompagnée d'une glose explicative, relatant soigneusement les circonstances qui avaient amené ou suivi l'apparition. "
Stimulé par ce travail, il parvient à se souvenir de plus en plus précisément de ses rêves et des circonstances où ils se créaient. Puis il tente, avec de plus en plus de succès, d'en modifier le cours. Sinologue, il enseignera les langues orientales au Collège de France. Il meurt en 1892.
Selon Hervey de Saint-Denys, nous pouvons, à force d’entraînement, influencer le déroulement de nos rêves tout en restant endormis. André Breton, Robert Desnos et René Daumal redécouvrent Hervey de Saint-Denys. Il cite, entre autres, cette expérience qu'il fit avec un ami consentant : durant son sommeil " je m'approche de son lit et prononce à mi-voix quelques commandements militaires : " Portez arme ! apprêtez arme ! etc. " Puis je l'éveille doucement.
• Eh bien, lui dis-je, cette fois encore n'as-tu rien rêvé ?
• Rien, absolument rien, que je sache.
• Es-tu bien sûr, demandai-je alors, que tu n'as vu ni soldat…
A ce mot de soldat, il m'interrompt, comme frappé d'une réminiscence subite. " C'est vrai ! c'est vrai ! me dit-il, oui, je m'en souviens maintenant ; j'ai rêvé que j'assistais à une revue. Mais comment as-tu deviné cela ? "
" Je préfère de beaucoup le vieil axiome qui nous dit : La vie est un songe. A ceux pour qui c'est un songe pénible, elle laisse du moins l'heureuse pensée de se réveiller dans la mort. "
Cependant, Hervey de Saint-Denys n’aborde pas dans sa recherche la question centrale posée par le yoga du rêve : Qui rêve ? Selon le yoga, la lucidité nocture nous offre la sublime possibilité de nous éveiller à la pure conscience de nous-mêmes, dans laquelle se résorbe toutes les contradictions, toutes les dualités, tous les conditionnements.
—Infos Yoga, no. 39, (Oct./Nov. 2002), p. (36)