Dilara’s 2021 Reading Log

Summer was coming and large motionless clouds could be seen, apparently held back by strong winds from the cloudless part of the sky – a sure sign that a thunderstorm was forming. The two Qallunaak headed to the tent. As night fell, it began to thunder loudly.
“I’m going to tell Qumaq not to go to sleep,” said Sanaaq. “A storm is brewing and I'm afraid she’ll be badly shaken by the sound of thunder!”

Quatrain (1958)

Oh had I been some green and lovely vine
I would have sucked ambrosia and put out fine flowers;
glad-hearted song birds would have come to carol –
well, my country’s turned ambrosial but this poetry’s barbarous.

» J’ai remplacé vos yeux par des façons d’électroscopes très perfectionnés. Ils perçoivent du monde l’aspect électrique ; ils n’en perçoivent pas d’autre ; et, naturellement, votre nerf optique vous traduit cet aspect sous forme de luminosités.
» Remarquez-le : au lieu de mettre l’électroscope à la place de l’œil, on pourrait parfaitement le substituer (mettons) à l’oreille. On pourrait le relier au nerf auditif plutôt qu’au nerf optique ; et alors l’opéré entendrait les phénomènes électromagnétiques, au lieu de les voir. Pour comprendre à quel point le nerf optique était indiqué entre tous autres, il suffit de songer un instant ; il suffit de se rappeler que la vue est notre sens principal, et que l’électricité offre avec la lumière bien plus d’analogie qu’avec le son, l’odeur ou la saveur.
» C’est pourquoi nous avons demandé à nos amis du front de nous envoyer des blessés aveugles, pour nos expériences. Vous n’en êtes pas moins le premier, Lebris ! le premier homme qui ait soulevé le sixième voile de la Nature ! »
« Le Dr Prosope se tut, après avoir prononcé d’un ton orgueilleux cette phrase emphatique. Sa victoire le transportait ; je voyais son système nerveux se moirer de luminescences.

{…}

Un jour, peut-être nos successeurs parviendront-ils à créer l’œil complet, l’œil que les vibrations les plus lentes et les plus précipitées pourront impressionner, l’œil qui verra les rayons infra-rouges comme les rayons ultra-violets, la chaleur comme l’électricité, — l’œil enfin qui donnera du monde la vision intégrale. Et alors il n’y aura plus lieu de distinguer la lumière visible et la lumière invisible. Il n’y aura plus que la lumière. Quelle beauté ! Quand je vous aurai dit que, grâce à vous, le premier pas vient d’être fait dans cette voie éblouissante, — quand j’aurai ajouté que la Science actuelle tend à considérer l’électricité comme étant la matière même, le principe de tout, — Lebris, ne serez-vous pas fier de votre mission ? »
« — Vous auriez dû me prévenir, bougonnai-je. Je suis un soldat prisonnier ; vous m’avez traité comme un esclave. D’ailleurs, je ne vois presque rien. »

For most with authentic Indian tastes (my husband included), replacing homemade Indian cheese (paneer) with tofu is akin to blasphemy. I get it. There’s a richness to paneer that seems irreplaceable to those who grew up on it. Indians have a lovefest with their dairy. Thus, my numerous attempts to substitute tofu for cheese in dishes such as mattar paneer and palak paneer were met with disdain at home until I discovered the art of baking tofu. This tiny step gives tofu a wonderful, almost meaty texture. Make a few batches, refrigerate them, and keep them on hand for anything and everything! Pure vegan magic.

Daal Shorba – 5 Ingredient Zero Oil Recipe
Shorba, simply put, is a kind of broth. It has Middle Eastern or Persian origins. It is known by many different names across Central Asia and East Europe and there are many methods for preparing it. Shorba is a meat dish but using daal makes a perfect vegetarian version.
Notes: Try this with other daals like red masoor lentils.

PAR LA FENÊTRE OUVERTE À DEMI

sur mon dédain du monde
une brise montait
parfumée au stéphanotis
tandis que tu tirais à TOI
tout le rideau

Telle
je te revois
te reverrai
toujours tirant à TOI
tout le rideau
du poème où

Dieux que tu es belle
mais
longue à être nue

Malgré la faim d’amour qui le tenaille
malgré sa grande désillusion
malgré son drame fait de doute et d’espoir
malgré l’expérience acquise au prix lourd du sang des Trois Fleuves
malgré les visites à domicile
malgré les rafles
malgré les flics
malgré les fouilles
malgré la meute des chiens dressés au flair de ses pigments
malgré la machine infernale
malgré les bombes à retardement
malgré l’attentat raté sur la Ligne Paris-Le Havre-New York
malgré la guerre qu’on lui fit faire
bon gré mal gré
malgré les tranchées
malgré le camp retranché
malgré le pourrissoir
malgré le défi
malgré l’interdit qui suspend sa plume
malgré tant et tant de malgré

Pourquoi dire entre les dents
pourquoi dire
voilà
voilà
voilà
qu’il recommence à dire
Merde

BLACK-LABEL À BOIRE
Pour ne pas changer
Black-Label à boire
À quoi bon changer

Or, il savait qu’il n’aurait jamais l’indélicatesse de congédier ses hôtes imprévus. Le griot avait invoqué le père Kéita, était remonté jusqu’à ses ancêtres du XIIIe siècle pour lui faire comprendre habilement qu’il était tenu de les recevoir et de ne pas démériter de la ligne des Kéita.
Le devin, lui, étrangement, regardait fixement un point du plafond comme s’il était ailleurs. Il commença à dire « hum ! hum ! », les yeux largement ouverts. Il se racla la gorge et parla enfin.
- Habibou Kéita, tout ne doit pas être enseigné à n’importe qui, sinon le monde disparaîtra.

Nous ne sommes que des chairs à impôts. Nous ne sommes que des bêtes de portage. Des bêtes ? Même pas. Un chien ? Ils le nourrissent, et soignent leur cheval. Nous ? Nous sommes, pour eux, moins que ces animaux, nous sommes plus bas que les bas. Ils nous crèvent lentement.
Une foule suant l’ivresse se pressait derrière la troupe constituée de Batouala, les anciens, les chefs et leurs capitas.
Il y eut des injures, des insultes. Batouala avait mille fois raison. On vivait heureux, jadis, avant la venue des « boundjous ». Travailler peu, et pour soi, manger, boire et dormir ; de loin en loin des palabres sanglantes où l’on s’arrachait le foie des morts pour manger leur courage et se l’incorporer – tels étaient les seuls travaux des noirs, jadis, avant la venue des blancs.

Une ouvrière ébouriffée, titubant de fatigue et d’épuisement, qui arrivait là en se hâtant quoiqu’elle fût manifestement lasse et affaiblie, parce que apparemment elle avait encore toutes sortes de choses à faire très vite, me fit songer à l’instant à des filles de bonnes familles ou à des fillettes gâtées, qui souvent ne semblent pas savoir à quel genre d’occupation ou de distraction délicate et distinguée elles doivent passer leur journée, qui ne sont peut-être jamais fatiguées pour de bon, qui réfléchissent pendant des jours et des semaines à la façon dont elles pourraient s’habiller pour rehausser l’éclat de leur apparence, qui ont du temps à revendre pour méditer en détail à la manière de s’y prendre pour que de plus en plus de finasseries excessives et morbides viennent enrober leur personne et leur petite silhouette en sucre d’orge.

Le pas de mon père dans le couloir. L’odeur de la toque de fourrure de maman. Le médecin. Les voix des infirmières de nuit. Le chemin de fer. Nos doigts dans la fente de velours répugnante entre les coussins des sièges de cinéma. Des trajets en bus. De sombres soirées d’hiver. Le lait renversé sur le sol de la cuisine. Chutes. Blessures. Cicatrices. Ses bras à elle. Ses pieds. Son front. Dans les poubelles la caisse avec les cubes. Biscuits. Pommes. Tartines. Treize verres et pas encore assez. Les oiseaux morts devant la porte de la maison. Une guêpe agonisante sur l’appui de la fenêtre telle une toupie bourdonnante. Une musique lointaine. La mort arrive comme une bourrasque. Elle t’emmène. Elle t’emporte.
Comment je le sais ? Je ne le sais pas.

Kéfir aux infusions

Tout le monde ne dispose malheureusement pas d’un jardin pour y cueillir les fruits et les herbes qui serviront à aromatiser et à décorer la préparation de kéfir. Une solution créative consiste à ajouter diverses infusions aux herbes et aux fruits au kéfir.

Heureux
ceux qui réussissent
à abolir la souffrance
les émotions
les questions
Ceux qui en ont fini
avec les sentiments
et à leur tête
la dévoreuse
la redoutable nostalgie

Heureux
ceux qui ne se sentent ni responsables
ni coupables
jamais au grand jamais !
Ceux qui sont capables
de soumettre l’exigence du bien
aux nécessités du mal
de jouer avec les mots
comme le chat joue avec la souris
avant de l’écrabouiller

Arrive un moment où l’œil recru de fatigue, saturé par l’afflux, n’a que faire des paysages, de ces hameaux qu’on traverse en trombe, de ces forêts où les roues font un bruit feutré, un martèlement mouillé qui sent les feuilles et l’humus. On n’espère plus qu’une chose : sombrer dans un sommeil impossible. L’esprit se réfugie dans une incuriosité crasse. Il recule tout au fond, dans ce pays de derrière l’œil et l’âme où le mouvement n’existe pas.

J’ai l’impression d’assister à une chorégraphie ultra-ordonnée mais naturelle, d’une beauté parfaite. Elle m’avait raconté en voiture ses pulsions d’ordre et les rêves qu’elle faisait enfant et qui la prenaient encore de laver entièrement la ville ou de ranger la forêt (enlever toutes les feuilles mortes, les branches cassées qui traînement en travers, mettre des chemins à la place des broussailles, ratisser tout jusqu’à ce que l’ordre forestier soit total).

des noms qui magnétisent
constellations
pures
qui feront jaillir dans les nerfs et dans la peau
des amants
d’inexplicables constructions radieuses
prêtes à circuler entre la suie
de deux bouches
pures

Si l’État d’Israël était l’État de tous les Israéliens et non celui des seuls Juifs, tous les compromis seraient envisageables pour que juifs, musulmans, chrétiens, druzes, bouddhistes et… rien du tout, cohabitent sur une même terre : la Palestine.
Deux peuples, un pays, dont le nom finalement importe peu : Israël-Palestine, Isratine ou Palestaël, et dont le statut futur (un État, deux États, une confédération) s’imposera peu à peu. Les habitants de cet État cohabiteront en bougonnant comme chez Tchekhov, mais ils ne s’entretueront pas comme chez Shakespeare. Et ils apprendront laborieusement, en renonçant à bien des totalités, à bien des rêves de pureté, à partager une même terre en se respectant et en s’enrichissant mutuellement des expériences de l’autre.

Salma venait presque chaque après-midi sur la place avec les membres de Grenade(s), l’association qu’elle avait créée quelques années plus tôt pour défendre les droits des femmes. Elle animait des groupes de travail, des cercles de discussion. L, de son côté, n’y arrivait que le soir. Ce qui l’intéressait dans le mouvement, c’était son refus que le coucher de soleil sonne le retour au domestique, l’arrêt du collectif. Parmi tous les slogans qui fleurissaient à République, elle préférait le premier, le plus simple, celui qui s’était opposé au soir tombant : On ne rentre pas chez nous.

"Renatchen, c’est une belle lettre – respectueuse, sans bavardages inutiles, franche et sincère. Elle te fait honneur en tant que femme et en tant que nazie. Je te félicite. Tu es maintenant officiellement fiancée à Klaus Adler."
J’ai été prise de vertige.
J’ai regardé, incrédule, les feuilles de papier étalées devant moi. J’ai pris l’une d’elles.

L’important c’est le pas suivant, et celui d’après, afin qu’on ne se foule pas le pied, afin que les genoux ne lâchent pas, afin qu’on ne glisse pas tout à coup. Le parapluie faisant office d’alpenstock n’est d’aucun secours, il dérape souvent sur les pierres et n’est pas un soutien quand le pas n’est pas assuré. Cela reste un bon sentier, sauf que par-ci par-là, dans les roches, les marches sont trop hautes pour quelqu’un qui a déjà les genoux en coton.

Comme dans la plupart de ses œuvres, Hodler applique sa fameuse théorie du « parallélisme » qui consiste en une répétition rythmique des formes et des couleurs visant à renforcer l’unité de la conception symbolique de l’image.

Muet. Le lien des mots commence à se défaire
aussi. Il sort des mots.
Frontière. Pour un peu de temps
nous le voyons encore.
Il n’entend presque plus.
Hélerons-nous cet étranger s’il a oublié
notre langue, s’il ne s’arrête plus pour écouter ?
Il a affaire ailleurs.
Il n’a plus affaire à rien.
Même tourné vers nous,
c’est comme si on ne voyait plus que son dos.

Dos qui se voûte
pour passer sous quoi ?

Elle lui replia les bras, lui ferma les yeux, se signa et pleura à nouveau, déchirée de tristesse. Elle était bonne catholique et ne pouvait concevoir que le vieux prêtre gambadât à présent sous les feuillus, hésitant et titubant, non plus comme l’homme ivre qu’il avait été parfois, mais comme le très jeune marcassin qu’il était devenu : elle se consola en l’imaginant en Paradis, parmi les Anges.

« Fossoyeux ! Confrères ! Avant que le divertissement ne reprenne ses droits, que les récits d’amour ne charment à nouveau nos esgourdes, que le vin des scelle plus sûrement que la cire d’abeille, avant que nous ne sombrions dans le plaisir de l’ivresse et la joie de l’oubli, je me dois de nous rappeler une fois de plus à notre triste métier. Il n’est point de mort qui ne passe par nous ! Nous portons l’humanité sur nos épaules ! »
Les fossoyeux, flattés par cette adresse, se tournèrent tous vers l’orateur ; Sèchepine se demanda quant à lui quelle innovation blâmable allait promouvoir Bittebière : il s’en méfiait, car il le savait progressiste au-delà du raisonnable.
…
Bref songeait Bittebière en récapitulant qu’il avait déjà ingéré
une tartinette de rillettes au vouvray,
une tranchouille de pâté de canard,
un barillet de cornichons pour accompagner les susnommés,
un œuf mimosa, soit deux moitiés,
deux petites gougères au chèvre, à peine plus grosses que des couilles de singe,
six cuisses c’est-à-dire trois grenouilles,
six ou huit gros escargots, cagouilles ou lumas,
une bouchée à la reine et aux ris de veau,
un bol de consommé avec des croûtons au foie gras,
un œuf en meurette avec une mouillette lardouillée,
une croustade aux écrevisses,
six (il n’était plus sûr du nombre) huîtres au gratin,
huit, pardon encore une dernière, neuf langoustines plongées dans la mayonnaise,
trois petits blancs-cassis de fête au saumur qui pique,
un pot de chinon bien rouge,
autant de chenin d’Oiron bien jaune

My Grandmother’s Houses
1
She is on the second floor of a tenement
From her front room window you see the cemetery
Her bedroom is my favourite: newspapers
dating back to the War covering every present
she’s ever got since the War. What’s the point
in buying her anything my mother moans.
Does she use it. Does she even look at it.
I spend hours unwrapping and wrapping endless
tablecloths, napkins, perfume, bath salts,
stories of things I can’t understand, words
like conscientious objector. At night I climb
over all the newspaper parcels to get to bed,
harder than the school’s obstacle course. High up
in her bed all the print merges together.
When she gets the letter she is hopping mad.
What does she want with anything modern,
a shiny new pin? Here is home.
The sideboard solid as a coffin.
The newsagents next door which sells
hazelnut toffees and her Daily Record.
Chewing for ages over the front page,
her toffees sticking to her false teeth.

Every Wednesday, I anxiously check my watch every few minutes until 2 p.m., the hour I pull my car out of the garage to make room for the load of fresh veggies for my Community Supported Agriculture group. At the stroke of two, Cornelius, the driver from Golden Earthworm, a farm on the east end of Long Island, New York, skillfully maneuvers his refrigerated truck just below the drive. He and Edvin, the farmer, are already exhausted from a long day’s work, but they haul box after box up the steep incline to my garage. Slowly, the garage blossoms—until every nook and cranny holds a box near bursting with good, organically grown foods, the scent of earth still clinging to the just-picked produce. Soon, the CSA will open its doors and the members will come to collect their weekly boxes, buzzing with excitement to see what’s inside. For a few minutes, though, I’m alone with the bounty of summer, fragrant and ready to eat—ears of silken sweet corn, fragrant summer peaches, ripe red tomatoes, sleek green zucchini, dimpled raspberries the color of jewels.

Le jour de Noël, n’étant pas encore parvenus sur l’autre rive du fleuve où se trouve du bois, une tempête de neige se lève. Ce serait dommage de rentrer les mains vides. Le retour est donc un vrai cauchemar : le chemin est recouvert, partout ce n’est que congères et monticules de neige fraîche, poudreuse et collante. Nous sommes ballottées, nous perdons l’équilibre et tombons sous le poids de nos harnachements.

Nous avons mis le feu aux bûches sur le sol en terre battue. Ensuite nous avons placé la marmite sur ces maigres flammes. Tout en supportant une faim tenaillante, nous ruminions notre inquiétude à propos de cette encombrante nouvelle venue.
- Cette fille, commença mon frère d’un air pensif, c’est sûrement parce que sa mère est morte, qu’elle est devenue folle.

La nuit tombe plus vite en forêt qu’ailleurs, le soleil n’est pas couché encore, mais il fatigue et sa lumière rasante ne parvient déjà plus aussi bien à se frayer un passage entre les feuilles et les troncs. L’humidité gagne, la brume gomme les reliefs, brouille les distances, voile les couleurs. Les êtres du jour s’effaceront bientôt, tandis que surgiront d’autres bêtes, ces créatures plus mystérieuses qui s’emparent du silence des bois dès que le jour n’est plus.
C’est le moment entre chien et loup où tout se tait.

Recently, I had found a yellowed copy of Little Women. It belonged to Neliya Aunty, Amma’s older sister. Neliya Aunty had come to live with us a year ago after Amma’s mother had died. Neliya Aunty had never married and my parents felt she should not be living alone. Though she wasn’t much older than Amma, she seemed to belong more to my grandparents’ generation than my parents’. This was reflected in her clothes, for, unlike Amma, who wore everything from saris to dress- es to pants, Neliya Aunty usually wore ankle-length housecoats at home and saris for going out.

Je rêvais d’écrire comme ça : avec cette fluidité, ce naturel, cette tranquillité qui m’étaient et me sont plus accessibles dans le tai-chi ou le yoga puisque j’y serai toujours un amateur, que sur mon terrain où règne sans partage ce mélange inextricable d’obsession, de mégalomanie et de noble désir de bien faire qui compose un ego d’écrivain. Avec le même soin que je mets à fabriquer, à relire, à retoucher des phrases, je faisais et refaisais sans fin les mêmes gestes, chaque nouvelle tentative s’enrichissant de la mémoire des précédentes et gagnant en finesse, en précision.

Les fées brouillonnes penchées sur mon berceau ont fait ce qu’elles ont pu : j’ai l’odorait esthète et la joie tenace. Je me dis pourtant que les fées sont souvent ivres et les anges dépressifs. Contre les marches, le rythme du balai m’amuse, des cigarettes, des publicités jonchent le matin qui tarde tant à se lever. De nouveau le sol fume et je frotte, mais j’ai mal aux mains avec le froid ; pas assez de force, pas assez de doigts, pas assez de puissance pour cette serpillère épaisse, infernale.

L’esquive, c’est pas mon fort, au contraire. Je me retrouve souvent entre un mur et un coup, le sol et un pied, l’air et un objet. Cette tendance finit par me définir et je ne comprends pas ces moments qui me font regarder mes parents comme des créatures monstrueuses.
Ce matin-là, en Algérie, les cris de ma mère me rejoignent. Elle m’appelle. Premier hurlement. Second hurlement, cette fois strident. Terrorisée, je cache mon bien le plus précieux, mon livre, et sors de ma cachette pour braver le regard de ma gorgone préférée. Portée par le Concerto n°1 pour piano de Tchaïkovski, je m’imagine descendant les escaliers avec une armure de chevalier faite d’œuvres de la littérature russe. Sur la poitrine, les deux tomes de Crime et Châtiment ; sur le ventre l’Idiot ; sur les épaules, Les Frères Karamazov ; Tourgueniev sur les bras ; Aïtmatov sur les jambes ; Tolstoï dans le dos et Soljenitsyne comme casque. Un Goldorak russe invincible, indestructible. Cela me donne du courage, j’ai la tête haute des femmes du peuple qui ne fléchissent pas devant l’ennemi, dussent-elles affronter une créature monstrueuse et imprévisible : leur mère.

Comme on pouvait s’en douter, au-delà de la large palette de formes et de silhouettes couleur chair, on peut repérer de façon assez constante des paires de nichons. En ce lieu de la nudité, les visages, qui en temps normal portent sans doute l’identité de chacune, ont perdu leur individualité.

Inua Ellam
The / Forced
One day when you are pissing on the roadside,
your cracked bare feet on grass streaked with faeces
and purewater plastic bags, you will hear his name
and turn to watch his convoy numerous as the aunts,
the uncles and ancestors you have never known, inch

down the crowded Mushin street singing his praises
as if a capitalist black Jesus, dishing cold hard cash
to those pressed either side of his jeep, hands out –
stretched, pleading with a hunger you know too well.
…

Au redoux, Saint-Prime s’animait. Le dimanche, à la messe, les femmes étrennaient leurs nouvelles robes. Les hommes troquaient leurs chapeaux de castor contre des couvre-chefs de feutre. Dans ses homélies, le curé incitait ses ouilles à redoubler de prières pour le salut des récoles à venir, car le travail à la ferme pouvait enfin reprendre.
Pour les Ilnuatsh, le printemps constituait aussi une période d’agitation. Après avoir vécu isolées sur leurs territoires de chasse, les familles se préparaient à retourner à Pointe-Bleue. Le temps des retrouvailles approchait. Mais il fallait attendre que la glace ait libéré les rivières. Le voyage nécessitait plusieurs jours d’organisation.

Lors d’une baignade dans l’Atlantique, près d’Arcachon, je ressens tout à coup une intense douleur au pied. Je sors de l’eau en pleurant. Mon père m’engueule, m’accusant de faire du cinéma. Je m’assoie sur le sable, on examine ma voûte plantaire : deux points rouge au milieu d’un cercle blanc. Comme je continue à avoir très mal, mon père m’emmène en grommelant au poste de CRS. Après avoir diagnostiqué une piqûre de vive – un poisson doté d’une crête dorsale venimeuse -, le maître nageur félicite mon père : « il est courageux, votre garçon. D’habitude, les enfants pleurent beaucoup plus. »

Une deuxième famille d’études sur une forme de discordance entre les zones d’habitation des minorities et les bassins d’emploi auxquels ils peuvent avoir accès. On parle alors de mauvais appariement spatial (spatial mismatch) (Gobillon, Selod et Zenou, 2017 ; Holzer, 1991 ; Kain, 2004).

L’expérience de la guerre l’a libéré de ses obligations morales vis-à-vis de la République, dont il estime qu’elle l’a « abandonné » : « En brisant mes études, en m’obligeant à participer à une guerre « asymétrique » comme disent les militaires, avec utilisation du napalm contre des patriotes luttant pour leur indépendance, en me faisant complice de la torture rien qu’en raison de l’uniforme que je portais, en utilisant des méthodes nazies un peu plus de dix ans après la Libération de la France, en me livrant pieds et poings liés à un lieutenant d’active qui voulait précisément me faire chanter un chant nazi, ou encore en abandonnant lâchement des harkis. »

Comme celle de Chris, la chambre de Rodolphe est très personnalisée, signe que la pièce est totalement sienne. Il y a des posters de voitures et des femmes dénudées sur les murs, dont une qui se balade avec un chimpanzé autour du cou. On trouve aussi une collection impressionnante de cassettes VHS dont quelques grands classiques de films de baston : Kickboxer et Légionnaire avec Jean-Claude Van Damme, Rush Hour avec Jackie Chan et des DVD plus récents dont Le Baiser mortel du dragon, avec Jet Li.

Avant de porter ses chaussures la toute première fois, Olmène se lava les pieds avec insistance. Elle avait pris soin, pour ne pas se ridiculiser, de ne pas les porter en présence de Tertulien, continuant à vaquer pieds nus à ses tâches quotidiennes. Une fois que Tertulien eut le dos tourné, Olmène se mit debout avec précaution et osa quelques pas timides qui mirent ses pieds à rude épreuve.

… workers’ movements of the past two centuries often had a Luddish bent: they understood new machines as weapons wielded against them in their struggles for a better life, and treated them as such. Intellectuals on both sides of the class struggle often characterized this perspective as shortsightedness, or downright irrationality.
…
It is my contention… that the radical left can and should put forth a decelerationist politics: a politics of slowing down change, undermining technological progress, and limiting capital’s rapacity, while developing organization and cultivating militancy. Letting Walmart or Amazon swallow the globe not only entrenches exploitative models of production and distribution; it channels resources to reactionary billionaires who use their wealth to further undermine the relative position of workers by funding conservative causes like tax cuts, school privatization, and opposition to gay marriage.

Ses vingt ans étaient passés. La terre subitement avait tremblé sous ses pieds ; sur sa tête s’étaient écrasées les colonnes du ciel. Il avait vu des profondeurs de l’ombre sortir le spectre de ce père qu’il y avait enfoui, tandis que sa mère déjà morte au jour mourait doublement à sa tendresse. Tout un passé chéri avait été emporté par le vent cruel.
Après la césure, quand de l’abîme il fut sorti durci et méconnaissable, Robert M. Garneau s’était donné jusqu’à quarante-cinq ans pour devenir un puissant et un maître. L’usine avait été son premier instrument.

—Vinca chérie... soupira Philippe.
Elle le regarda avec indignation.
—C'est moi que tu oses appeler comme ça?
Il inclina la tête.
—Vinca chérie... soupira-t-il.
Elle se mordit les lèvres, rassembla ses forces contre l'assaut des larmes qu'elle sentait monter, serrer sa gorge, gonfler ses yeux, et ne se risqua pas à parler. Philippe, appuyé de la nuque au rocher brodé d'une mousse rase et violâtre, contemplait la mer et ne la voyait peut-être pas. Parce qu'il était las, parce qu'il faisait beau, parce que l'heure, son parfum et sa mélancolie l'exigeaient, il soupirait: «Vinca chérie...» comme il eut soupiré: «ah! quel bonheur!...» ou bien «Que je souffre...» Sa nouvelle douleur exhalait les mots les plus anciens, les premiers mots nés sur ses lèvres; ainsi le soldat vieilli, s'il tombe en combattant, gémit le nom d'une mère qu'il a oubliée.

C’est point du tout la peine. Quand le souriceau* naîtra, moi, j’irai le jeter dans un ravin, à la montagne de derrière, et Bonne-Maman ne sera point chansonnée comme c’est arrivé à la Maison du Kaya no ki. Alors, faut pas se tourmenter !

* le souriceau = l’arrière petit-enfant

I looked round. The shelves were full of books.
‘Well, it’s what someone has to do. I’ll do it for you.’
‘There are no employment opportunities available at the present time.’
‘I don’t want an employment opportunity’ (I remembered what Miss Pinch said about not being too ambitious for a Female). ‘I just want a job.’
‘I am afraid that won’t be possible. But you may join the library if books interest you.’
‘Yes, they do very much, thank you, I will.’
‘Here is the form. We’ll need a permanent address, utility bill, and a signed photo.’
‘What, like a film star?’
‘Someone who has known you for two years must sign the photo.’
‘I suppose Miss Pinch might do it…’ (I was beginning to wonder if this librarian was related to Miss Pinch.)
‘Where do you live?’
‘The Holiday Inn.’
‘That is not a permanent address.’
‘No, I’ve only just arrived here from Scotland.’
‘Were you a member of the library there?’
‘There was no library. We had a van came round once every three months but it only stocked Mills & Boon, True Crime, Ornithology, Second World War, Local History, which we all knew anyway because there’s not that much of it, and tinned fruit. It was a bit of a grocer’s too.’
‘Have you proof of your address in Scotland?’
‘Everyone knows it. It’s the lighthouse at Cape Wrath. Straight up the coast and you can’t miss it.’
‘Your family are lighthousekeepers, are they?’
‘No, my mother’s dead, I never had a father, and Pew brought me up in the lighthouse.’
‘Then, Mr Pew perhaps – he could write a letter on your behalf.’
‘He’s blind and I don’t know where he is.’